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RETOUR D’ALSACE

nous donne deux litres de Médoc. Dès lors, la chasse aux vivres succède à la chasse au sommeil. Chacun de nous sort à nouveau subitement, et revient, le visage apaisé, avec le riz, l’ail, la poule qu’il avait repérés la veille. L’œil du Français est plein de ressources. Pas un de nous qui n’ait également, dans ce bourg de huit cents habitants, déjà marqué en lui la maison qu’il habiterait, la femme qu’il choisirait, au cas où nous y resterions quelque temps, toujours.

Matinée assez remplie. Je vais acheter des bœufs avec l’officier des détails. Je suis chargé de vérifier si la voyageuse arrivée chez la femme Schanzi est bien une sage-femme. De la vue de la femme Schanzi, je juge toute contestation impossible. Je recopie sur le cahier du régiment le résumé de la veille. J’écoute le vaguemestre nous lire le courrier qui part : il approuve sans réserves la carte du colonel : Tout va bien, mais est étonné par celle du capitaine adjoint qui écrit à ses deux fillettes : Bonjour dominical du papa : Il n’aurait jamais cru que c’était un calotin ! À neuf heures, c’est mon tour de m’étendre un peu sur le lit du premier. Mais l’envie de dormir est passée ; par bonheur, je trouve dans la chambre un vieux numéro