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LE FAIBLE BERNARD 207

sots. Il avait en effet leurs amusements superficiels : il trouvait spirituel de dire en Alger au lieu de dire en ^Vlgérie; il appelait un précepteur un régent, un journal le pam- phlet du jour. Il avait leurs enthousiasmes; le matin oii une revue avait exposé le radium à sa devanture, il avait respectueusement, avec sa petite amie, défdé devant le tube, se découvrant- Il saluait aussi, au Louvre, les tableaux des grands maîtres, quand ils étaient vraiment trop beaux. Il croyait à l'Art pour l'Art, à la Vie pour la Vie.

Et au fond qu'y comprenait-il? Jamais il n'avait pu lire un volume de philosophie jusqu'au bout. La suite des idées et surtout les conséquences générales lui échappaient. Pour qu'il distinguât les lignes des détails, il lui fallait auparavant lire le manuel qui résu- mait l'œuvre, souligner les phrases typiques. Obligé de compter avec les philosophes pour ses examens, il n'avait pu se les rendre fami- liers qu'en les unissant, dans son esprit, sur une large fresque. Il imaginait la philosophie comme le fait un peintre. Au centre le vieux Descartes, obséquieux avec les hommes, chas-

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