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yeux verts. Elle a croisé ses mains dans son manchon et porte, comme un collier fermé, au repos, son étreinte. Elle satisfait le dernier vœu d'Etienne, mais ravive impitoyablement les deux autres, car sur son chapeau voisinent un oiseau-mouche et deux belladones géantes. Nous la suivons. Elle disparaît par la première porte cochère, alors que nous espérions l’avoir pour nous seuls au moins jusqu'au prochain coin de rue. Etienne est désespéré. Il l'adorait.

Il doit avoir trouvé une consolation, car il chantonne. Il regarde le ciel à la dérobée. J'y suis : il a aperçu la lune. Dans ce midi d'automne, elle escorte, seconde roue inutile mais du moins silencieuse, le char de son frère aîné. Personne ne se doute que la nuit sera noire, mais le jour est plus clair de toute une clarté qui double de satin les taches de soleil. Etienne, qui me voit rêveur, n'ose me parler de la lune. Il faut que je la remarque le premier. Il me conduit hypocritement au bord du quai : elle flotte sur l'eau, vacille, plonge, un goujon a dû y mordre. Il me dirige face au Carrousel ; elle nous prend de face, vraiment