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la nuit. Des mouettes volaient en ligne, formant un nom qu’on ne pouvait comprendre, car il était composé de lettres toutes semblables, argentées du côté du couchant, — puis elles se dispersèrent, une seule resta et l’on comprit. On comprit le mot Solitude, le mot Espace, la phrase : « agité par les vents ». La lune apparaissait entière, c’était le soir où aucun astre ne se glisse entre elle et moi. C’était la nuit, et, un long moment, entêté comme un roulier qui ne veut pas allumer sa lanterne, je m’enfonçai dans cette nuit sans appeler la pensée et ce nom qui éclairent pour moi toute ombre. Mais je me heurtais durement à chaque obstacle, au cri lointain de la fillette, aux maisons endormies, à chaque étoile. Ils me meurtrissaient, ils m’atteignaient en plein visage… Alors je pensai à toi, rêve, et ils s’écartèrent…