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que celle qui te traverse de bout en bout, la seule que nous suivions pour les promenades. Je prends toutes tes rues transversales, je te bouscule, je te décoiffe, je t’aime, comme une chevelure où la raie toujours fut au milieu et dont enfin l’on se venge en riant. Tout ce que l’on me défendit enfant, je me l’accorde. La rue Descente-de-Ville, je la remonte. J’entre au Musée voir le chien empaillé de Napoléon, toucher la Chanson de Roland. Je tire enfin au clair tous les secrets qui m’intriguèrent pendant six ans. La rue du Gué-aux-Chevaux aboutit bien à un gué ; la rue des Clercs aboutit à une planche sur l’eau, à un pêcheur, à une ligne aiguë, en ce moment à une ablette qui se débat ; la rue du Foin à des laveuses ; et j’apprends ainsi où se cachait l’orchestre qui a scandé mes trois mille matins, et ma présence l’arrête pour la première fois une minute… Tout me ramène à l’Indre, chacun de mes secrets n’a que des peupliers pour dernière barrière…