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les touchait. Le pianiste qui jouait du Mozart avait toutes les peines à l’empêcher de taper sur la note qui lui avait plu dans la précédente phrase, et, ses mains occupées, défendait le piano des épaules ou des avant-bras.

« Pavel était généreux ; il passait les journées à maintenir l’équilibre entre les prévenances du monde et ses réponses. Il était peu d’oiseaux qu’il n’eût suivis des yeux jusqu’à ce qu’ils disparussent, m’empêchant de parler ; peu de petits Turcs bossus rêvant sur les ponts de l’Isaar près desquels il ne se fût accoudé une minute, une seconde s’il était pressé, composant malgré lui son corps sur le leur, se voûtant ; toute forme humaine lui était un moule ; ou bien il se libérait des objets en prononçant en français le nom de leur couleur : Rouge ! l’entendis-je un jour crier du haut du Maximilianeum ; bleu ! vert ! Et l’écho nous revenait. C’était que Pavel se libérait, non pas d’un perroquet, mais de Munich tout entière, toits, tramways et arbres, et il descendait tout léger… »