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belles étoffes ; ils ont maigri, ils ont végété, oui, mais dans ces beaux corps gras. Ils ont frissonné dans ces fourrures superbes. Ils ont eu soif avec ce vin inépuisable. Ils ont eu les pieds meurtris dans ces souliers merveilleux. C’est sur ces épais pneumatiques qu’ils étaient cahotés à mort. C’est avec ces projecteurs énormes que la nuit ils étaient aveugles. À l’intérieur de cette fougue et confiance invincibles, qu’ils ont désespéré, qu’ils ont renié ; de cet élan, qu’ils sont tombés une minute… Les Français ont tué avec ces mains pacifiques. Ils ont haï avec ces yeux bons et moqueurs ; mordu avec ces douces bouches. Les voilà. Les Français vont aimer avec ces nez hautains, se dévouer avec ces fossettes volages, céder avec ces mentons qui ordonnent. Les voilà. On a beau prendre un visage au hasard, chercher au fond des files les plus cachées, c’est sur un visage de vainqueur que tombe sans trêve le regard. Ils ne font aucun geste que ne ferait, si on le chargeait d’entrer à Saverne