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LE PRÉSIDENT. – Et vous-même, seigneur ?

ÉGISTHE. – Cher président, je me suis demandé souvent si je croyais aux dieux. Je me le suis demandé parce que c’est vraiment le seul problème qu’un homme d’État se doive de tirer au clair vis-à-vis de soi-même. Je crois aux dieux. Ou plutôt je crois que je crois aux dieux. Mais je crois en eux non pas comme en de grandes attentions et de grandes surveillances, mais comme en de grandes distractions. Entre les espaces et les durées, toujours en flirt, entre les gravitations et les vides, toujours en lutte, il est de grandes indifférences, qui sont les dieux. Je les imagine, non point occupés sans relâche de cette moisissure suprême et mobile de la terre qu’est l’humanité, mais parvenus, à un tel grade de sérénité et d’ubiquité, qu’il ne peut plus être que la béatitude c’est-à-dire l’inconscience. Ils sont inconscients au sommet de l’échelle de