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les rouges étincelles des locomotives qui prennent racine et fleurissent sur le bord du chemin.

Mes observations physiognomoniques sont plus étendues, et, sans me vanter, je crois que Lavater lui-même les aurait approuvées.

L’habit ne fait pas le moine, mais la robe fait la femme. Je vais donc commencer par vous donner une description extrêmement détaillée de la toilette de mon inconnue. — Cette méthode est usée, ce qui prouve qu’elle est bonne, puisque tout le monde s’en sert. Mon inconnue ne portait ni pagne d’écorce d’arbre autour des reins, ni boucles d’oreilles dans le nez, ni bracelet aux jambes, ni bagues aux doigts du pied, ce qui vous paraîtra extraordinaire.

Elle avait le seul costume qui manque peut-être à votre collection, un costume de grisette parisienne. Vous qui connaissez par cœur le nom de tous les ajustements des Hottentotes, qui êtes de première force sur les modes esquimaudes, et qui savez au juste combien de rangs d’épingles s’enfonce dans la lèvre inférieure une Patagone du bel air, vous n’avez pas pensé à dessiner celui-là.

Une description bien entendue de grisette doit commencer par le pied. La grisette est l’Andalouse de Paris ; elle a le talent de traverser les fanges de Lutèce sur le bout de l’orteil, comme une danseuse qui étudie ses pointes, sans moucheter ses bas blancs d’une seule étoile de boue. Les manolas de Madrid, les cigareras de Séville avec leur soulier de satin ne sont pas mieux chaussées ; la mienne, — pardonnez l’anticipation de ce pronom possessif, — avançait dessous la banquette la moitié d’un brodequin irréprochable moulant des chevilles parfaites, un cou-de-pied d’une cambrure aristocratique ; — si elle veut me donner ce gracieux cothurne pour le mettre dans mon musée, à côté du chausson de Carlotta Grisi, du brodequin de la princesse Houn-Gin, et du soulier de la Gracia