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votre rencontre ; vous vous trouvez en conjonction avec les phénomènes ; tout ce qui n’arrive pas vous est arrivé, et, sur ce monde que vous avez parcouru dans tous les sens, il n’y a de nouveau pour vous que le banal. La première fois que vous avez voulu faire quelque chose comme tout le monde, — vous marier, — la chose a manqué. Vous n’avez de facilité que pour l’impossible ; aussi, j’espère que mon récit, un peu dans le genre des romans de M. Paul de Kock, auteur estimé des grandes dames et des cuisinières, vous surprendra infiniment et aura pour vous tout l’attrait et toute la fraîcheur de l’inconnu.

Il y avait déjà deux personnes dans le wagon où le conducteur nous poussa ; deux femmes, une vieille et une jeune.

Pour ôter à Alfred la facilité de faire le charmant, je me plaçai dans un angle en face de la plus jeune, laissant ainsi à mon ennuyeux ami la perspective réfrigérante de la vieillarde.

Vous savez que je n’ai aucun penchant à soutenir ce que l’on appelle l’honneur de la galanterie française, — galanterie qui consiste à excéder d’empressements hors de propos, de conversations sur la pluie et le beau temps, le tout entremêlé de mille et un madrigaux plus ou moins stupides, les femmes qu’un hasard ou une raison quelconque forcent à se trouver seules parmi des hommes.

Je m’établis donc dans mon coin sans avoir donné d’autre signe, qu’un léger salut, que je me fusse aperçu de la présence dans la voiture de femmes dont l’une avait évidemment droit aux attentions de tout jeune Français commis-voyageur et troubadour ; et je me mis à examiner sans affectation mon vis-à-vis, me partageant entre les études pittoresques et les études physiognomoniques.

Le résultat de mes observations pittoresques est que je n’ai jamais vu tant de coquelicots ! Ce sont probablement