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ne tirez pas en l’air : cela me toucherait peu, et je vous tuerais comme un chien. Vous me gênez sur terre, et je ne travaille pas pour la Morale en actions, moi.

Edgard de Meilhan.


XXXVIII


À MESSIEURS
MESSIEURS ROGER DE MONBERT
ET EDGARD DE MEILHAN


Villiers, 18 août 18…

Laissons là ce langage indigne de vous et de moi. Nous sommes gentilshommes, de race militaire ; nos pères, quand ils se faisaient entre eux l’honneur que vous me proposez, se provoquaient, ils ne s’insultaient pas. Si la partie était égale, si je n’avais affaire qu’à l’un de vous, peut-être essayerais-je de le ramener à la raison. Vous êtes deux, venez, je vous attends.

Comte de Villiers.


XXXIX


Villiers, 21 août 18…

Depuis deux jours je veux vous répondre, ma chère Valentine ; mais je suis tellement agitée, inquiète, que je n’ose écrire mes pensées, dont le désordre et la folie m’épouvantent. J’ai encore assez de raison pour m’accuser moi-même de démence, mais je crains les preuves, et même, en reconnaissant dans mes idées un égarement certain, j’évite encore ce qui doit clairement le constater. Je vous le disais bien, tant de bonheur ne peut être accepté sans crainte ; tout est menace et danger dans un si doux enchantement ! le moindre mot me donne de sombres inquiétudes ; une lettre arrivée subitement, dont je ne connais pas l’écriture, une visite imprévue qui laisse Raymond un peu préoccupé : tout m’alarme ; et lui me gronde tendrement, il me demande pourquoi je suis triste. — Parce que je suis trop heureuse, lui dis-je, et il ne trouve pas que ce soit une bonne raison. Pour me dis-