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Signe affirmatif.

Je m’inclinai une dernière fois devant le génie de la déesse de la rue de Jérusalem. Quelle adorable police !

Je dis au jardinier, d’un ton solennel : Voici une lettre de la plus haute importance. Vous la remettrez à mademoiselle de Châteaudun, lorsqu’elle sera seule. — Et, lui montrant une bourse, j’ajoutai : Après cela, vous aurez ceci.

— Cette bonne demoiselle ! dit le jardinier en prenant la pièce d’or d’une main, la lettre d’une autre, et la bourse avec les yeux. — Cette bonne demoiselle ! il y a bien longtemps qu’elle n’a reçu une lettre de son amoureux !

Et il remonta vers le château.

— Il paraît, me dis-je, que le beau Léon recule devant le style épistolaire. Il a de bonnes raisons pour cela.

Voici le contenu de la lettre que portait le jardinier au château

« Mademoiselle,

» Les positions désespérées justifient tous les moyens.

» Je consens à croire encore que je suis, par votre volonté, dans la phase des épreuves. Mais je me juge suffisamment éprouvé.

» Je suis prêt à tout, excepté au malheur de vous perdre : le dernier éclair de ma raison est dans cet avertissement.

» Je veux vous voir, je veux vous parler.

» Ne me refusez pas un entretien de quelques instants.

» Mademoiselle, au nom du ciel, sauvez-moi, sauvez-vous !

» Il y a dans le voisinage de ce château quelque ferme habitée ou quelque bois désert. Choisissez vous-même. J’irai où vous m’appellerez, dans une heure. — J’attends votre réponse par mon messager. L’heure écoulée, je n’attendrai plus rien dans ce monde… »

Le jardinier marchait avec la nonchalance de l’homme des Géorgiques, et il méditait sur la somme de bonheur renfermée dans une pièce d’or. Je le suivais des yeux avec