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tout l’être de Louise. Moi-même j’ai avec elle un enjouement plus tendre, une galanterie plus affectueuse. Richeport vaudra mieux pour moi que Pont-de-l’Arche. Il n’est rien de tel que de combattre sur son terrain.

Venez donc, mon ami, être témoin de ce tournoi à armes courtoises. Nous attendons Raymond d’un jour à l’autre, nous avons toutes sortes de paradoxes à faire passer à l’état de vérités, vos lumières en ce genre nous serviront. À bientôt.

Edgard de Meilhan.


XVII


À MADAME
MADAME LA VICOMTESSE DE BRAIMES
HÔTEL DE LA PRÉFECTURE,
À GRENOBLE (ISÈRE).


Richeport, 29 juin 18…

Je suis à Richeport, chez madame de Meilhan !… Cela vous étonne… et moi aussi ; vous n’y comprenez rien… ni moi non plus. La vérité est que, lorsqu’on ne sait pas conduire soi-même les événements, ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de se laisser conduire par eux.

J’étais dimanche à la messe, dans la charmante église de Pont-de-l’Arche, une ruine admirable, tout en dentelle de pierre, une belle guipure déchirée ; comme j’étais là, une femme entra dans l’église, et vint se placer près de moi : c’était madame de Meilhan ; je la reconnus ; je la vois tous les dimanches à la messe. Il était tard, l’office touchait à sa fin, je trouvai tout simple qu’elle ne voulût pas traverser la foule pour aller jusqu’à son banc, et je continuai à lire mes prières sans faire attention à elle ; mais elle me regardait, me regardait d’une manière si étrange que je me mis à la regarder à mon tour. Je fus frappée de l’altération de ses traits. Tout à coup je la vois chanceler et tomber sans connaissance sur l’épaule de madame Taverneau. On s’empresse autour d’elle, on l’emporte