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mélange d’esprit aventureux et de timidité virginale à n’y rien comprendre. Elle est d’une ignorance et d’une perspicacité inouïes. Ces contrastes sont de l’effet le plus piquant, et m’attachent à elle de plus en plus. Après-demain, madame Taverneau doit aller à Rouen pour quelque affaire. Louise sera seule, et je compte répéter la scène du donjon, considérablement augmentée et privée de l’apparition inopportune du châle jonquille de madame Taverneau et de l’habit de chasse vert du malencontreux Alfred. — Que de rêves charmants va bercer cette nuit mon hamac de Richeport !

Ma prochaine lettre commencera, je l’espère, par cette phrase triomphante du chevalier de Bertin :

Elle est à moi ! divinités du Pinde !

Adieu, mon cher Roger, je vous souhaite bonne chance dans vos recherches. Puisque vous avez aperçu une fois Irène, c’est qu’elle ne porte pas au doigt l’anneau de Gygès. — Vous pouvez la rencontrer encore ; mais alors dussiez-vous traverser six boyards, trois Moldaves, onze lorettes, dix marchands de contremarques, écraser une multitude de king’s-Charles, renverser une foule de magasins de pastilles du sérail, filez droit comme un boulet vers votre beauté, et saisissez-la par le bout de l’aile, comme ferait un sergent de ville ou un gendarme avec politesse, mais avec fermeté ; car il ne faut pas que le prince Roger de Monbert soit le jouet d’une prétentieuse héritière parisienne.

Edgard de Meilhan.


XIV


À MADAME
MADAME LA VICOMTESSE DE BRAIMES
HÔTEL DE LA PRÉFECTURE,
À GRENOBLE (ISÈRE).


Pont-de-l’Arche, 8 juin 18…

J’écris à la hâte ce petit mot que je ferai mettre dans