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XIII


À MONSIEUR
MONSIEUR LE PRINCE DE MONBERT
RUE SAINT-DOMINIQUE,
PARIS.


Richeport, 8 juin 18…

Elle est ici ! Fanfares et timbales !

Le jour même où vous retrouviez Irène, moi je retrouvais Louise !

En accomplissant pour la dixième fois mon pèlerinage de Richeport à Pont-de-l’Arche, j’ai aperçu de loin, à l’angle de la vitre, le visage grassouillet de madame Taverneau, encadré dans un superbe bonnet enjolivé de rubans feu ! L’apparition des premières algues et des fruits noyés confirmant à Christophe Colomb l’approche de la terre rêvée ne lui causa pas un plaisir plus vif qu’à moi la vue du bonnet de madame Taverneau ! Ce bonnet était l’indice du retour de Louise.

Oh ! que tu me parus charmant alors, affreux chou de tulle, avec tes barbes flottantes comme des oreilles d’éléphant et tes nœuds énormes pareils à ces pompons qu’on met sur l’oreille des chevaux ! Combien je te trouvai préférable aux diadèmes des impératrices, aux bandelettes des vestales, au fil de perles des patriciennes de Venise, aux plus nobles coiffures de l’art antique et moderne !

Que madame Taverneau était belle ! Son teint, vermeil comme une engelure, me fit l’effet d’une rose fraîche éclose, — ainsi que ne manquent jamais d’ajouter les poètes. — Je l’aurais embrassée résolument, tant j’étais heureux.

Pendant les quelques pas qui me séparaient encore du seuil de la maison, l’idée que madame Taverneau pouvait bien être revenue seule me traversa la tête, et je me sentis pâlir, mais je fus bientôt remis de ma terreur ; car, dès les premiers mots de politesse échangés avec la directrice, j’aperçus, à travers le bâillement de la porte entr’ouverte,