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des renseignements sur elle. Son nom, prononcé dans un groupe, me fait fuir ; on me donnerait toutes les lettres qu’elle reçoit ouvertes, je les jetterais au feu sans en lire une ligne. Si elle fait, en parlant, des allusions à son passé, aux événements de sa vie, je tâche de détourner la conversation ; je tremble, lorsqu’elle commence une histoire, qu’elle n’y mêle quelque détail désillusionnant, et qui dérange l’idée que je me suis faite. Autant les autres cherchent à pénétrer les secrets, autant je les évite ; si jamais j’ai appris quelque chose sur une personne aimée, ç’a toujours été malgré moi, et ce que j’ai su, j’ai tâché de l’oublier.

Tel est mon système. Je n’ai donc rien dit à la grosse femme ; mais je suis entré dans la chambre déserte de Louise.

Tout y était dans le même état.

Une touffe de myosotis, posée dans un verre pour servir de modèle, n’avait pas encore eu le temps de se flétrir ; un bouquet inachevé était encore posé sur le pupitre, comme attendant le dernier coup de pinceau. — Rien n’indiquait un départ définitif. On aurait dit que Louise allait rentrer. Une petite mitaine noire en filet traînait sur une chaise ; — je la ramassai, — et je l’aurais pressée sur mes lèvres, si une pareille action n’eût été d’un rococo déplorable.

Puis j’allai m’asseoir sur un vieux fauteuil, comme Faust dans la chambre de Marguerite, à côté du lit, dont je soulevai le rideau avec la même précaution que si Louise y eût reposé. Vous allez vous moquer de moi, cher Roger, et je vous y aiderai, si vous le voulez, mais je n’ai jamais pu regarder sans une émotion douce et triste un lit de jeune fille.

Ce petit oreiller unique, seul confident de rêves timides, cette couche étroite où il n’y a place, comme sur un tom-