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dans un coin un massif d’acacias en fleurs dont les longues grappes blanches se balançaient au souffle de la nuit, en répandant une odeur qui se mariait au parfum plus pénétrant des iris de marais, posés au bout de leurs lances vertes comme des papillons d’azur.

Une nappe de lumière argentée ruisselait sur les marches du perron, et lorsque Louise, ayant enlevé ses cachets, reparut sur le seuil, sa forme élégante et pure se détacha sur le fond sombre de la chambre, comme une statuette d’albâtre.

Elle s’avança vers moi avec une démarche onduleuse et rhythmée, comme une strophe grecque. Je repris mes lettres, et nous suivîmes l’allée jusqu’à la tonnelle qui la termine.

J’étais si heureux de ne plus voir le templier Bois-Guilbert enlevant Rébecca et les flambeaux sous verre, que je trouvai des accents émus et d’une éloquence persuasive. Louise avait l’air fort troublé ; je devinais, sous la blancheur de son corsage, l’agitation de son sein et les battements de son cœur ; sa voix, au timbre si pur, semblait avoir changé d’accent, elle me répondait comme réveillée en sursaut d’un rêve. Ne sont-ce point là, je vous le demande, dans tous les pays du monde que vous avez parcourus, les symptômes de l’amour naissant ?

Je lui ai pris la main, elle était moite et froide, douce comme la pulpe d’une fleur de magnolia, — et j’ai cru sentir ses doigts répondre à mon étreinte par une faible pression.

Je suis charmé que cette scène se soit passée au clair de lune, sous les acacias aux thyrses neigeux ; car j’aime à donner à mes souvenirs d’amour un cadre poétique. Il me serait désagréable de penser à un joli profil se détachant d’un fond de papier à rosaces jaunes, à un aveu d’amour accompagné par la Grâce de Dieu, jouée dans le