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du choix ; il ne manquait pas de Belges comme eux, des gens qui aiment un verre et de la société ; bien souvent, c’était au music-hall qu’ils grillaient une cigarette, flattés de leur succès de couple élégant, dans la petite rigolade des couplets polissons ; mais souvent aussi, ils s’en allaient par la plage, bien loin passé le pier flambant, d’où l’orchestre jetait des éclats brusques de vacarme dans le grand roulis des vagues. Là, perdus dans un repli de dune, une langueur leur venait ; ils restaient, les mains unies, à s’écouter respirer, goûtant la tiédeur de leurs corps rapprochés. C’est beau, cette heure, et cela fait venir des idées, on trouve de drôles de mots, et on se sent meilleur : il n’y a rien de tel que la nature pour vous ouvrir le cœur…

Le gros soleil, hérissé de rayons, met une plaque jaune dans l’eau calme soulevée par les petits bourrelets des vagues régulières ; le sable flamboie, semé de diamants, et Céline flamboie, la chair et les cheveux tout en or, comme une châsse ; quand Victor se redresse de les avoir baisés, ses lèvres à lui aussi semblent s’être teintes d’or à leur contact. Que la vie décidément est bonne, quand on sait la comprendre !

Dans la tranquillité de l’air l’orchestre reprend, là-bas sur le pier, en brusques éclats de valses, en