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Madeleine, brusquement tremblante. — Dites-moi, je veux savoir… je peux savoir, maintenant…

François, qui a tendu les mains vers elle, se retire brusquement. — Mon Dieu !

Madeleine, étonnée de l’altération de ses traits. — Qu’avez-vous ? Qu’est-ce qui vous fait peur ? Toute votre figure a changé !

François. — Ce n’est rien. Ce n’est qu’une chose. Je l’avais oubliée…

Madeleine. — Quelle chose ? Oublié quoi ? Que peut-il y avoir de triste aujourd’hui ?

François. — Moi…

Madeleine. — Quand je suis venue pour vous ?

François, ressaisi, la regarde avec une douleur tranquille. — Vous êtes bien bonne, Madame, d’être venue. J’en ai eu une grande joie. Je n’ai pu assez vous la cacher. Je suis encore très faible… Vous avez toujours été une douce amie pour l’isolé que je suis. Et je vous retrouve, dans l’épreuve, fidèle et compatissante.

Madeleine. — Je ne sais ce que vous voulez dire. Je ne suis pas fidèle ni compatissante ; ce sont des choses qu’on réserve aux autres, à ceux qu’on n’aime pas… Et vous n’êtes pas dans l’épreuve !

François. — Excusez-moi aussi de ne pas vous avoir dit la part que j’ai prise à votre deuil. J’ai