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cent pensées, mille pensées, un horrible quadrille de pensées enchevêtrées…

François. — Vous aviez ce parfum-là le jour où je vous ai dit adieu. Je le reconnais. Je l’avais perdu. Vous êtes venue jusqu’au seuil de votre salon, vous avez mis vos deux mains dans la mienne et vous m’avez dit : regardons-nous bien, pour ne pas nous perdre. Je vous ai regardée ; et puis, je suis parti.

Madeleine. — Ah ! votre voix, de nouveau, m’a parlé… comme autrefois… On ne sait pas pourquoi, des minutes, les voix vous parlent… et nous sommes presque réunis… réunis comme si nous étions séparés !

François, éclatant. — Mon Dieu ! que c’est effroyablement doux de vous revoir enfin ! Vous êtes venue. Vous vous êtes déchiré les mains… Pourquoi avez-vous fait cela ?

Madeleine. — Je suis venue pour vous.

François. — Vous pouviez être tuée. Oui, on pouvait vous tuer…

Madeleine, souriant. — Alors, dites, vous auriez été triste ?

François. — Triste ? Non, je n’aurais pas été triste. Je serais mort. Je vis de vous. Madeleine… Madeleine… est-ce que vous savez ce que vous êtes pour moi…