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faut attendre que cela vienne. Ah ! si on me laissait reprendre un fusil, cela ne traînerait pas. Ce ne sera encore que le fauteuil, et les chiffres, avec les embusqués.

La vieille dame, posant son ouvrage. — Comment s’appelle-t-elle ?

François sursaute violemment, une colère au visage. Et devant la bonne figure entêtée et douce de vieille maman curieuse et compatissante, il s’apaise. Il se tait : puis, d’une voix très basse, une voix profonde et comme honteuse, il dit : — Elle s’appelle Madeleine. Elle est restée chez nous, en Belgique, derrière la barrière de silence. Elle a voulu rester, pour aider. Je ne sais rien d’elle. Mais je sais bien qu’elle aide. Elle a le don de la pitié. On voit cela à ses mains toujours prêtes à caresser. Et à ses yeux qui savent écouter la douleur. Elle a écouté la mienne. J’ai eu de la douleur, car je l’ai beaucoup aimée. Je ne le lui ai pas dit : on ne lui parlait pas de ces choses. Elle n’aurait pas permis. Mais elle savait. Et elle permettait le silence. Elle a utilisé cela pour faire de moi son ami. Cela l’a satisfaite, car elles ont de ces bizarres scrupules d’épouses. Elles nous donnent leurs pensées et les maris ont le reste. Ils sont contents et elles sont tranquilles. Pierre avait un mépris railleur pour ces futilités. Il nous enfermait au