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votre convalescence est à peine achevée ! On vous mettra à l’infirmerie, vous verrez, au lieu du secrétariat !

François. — Quant à cela, oui, je le sais, je ne suis plus bon à autre chose.

La vieille dame. — Mauvaise tête ! Mais non, vous êtes encore bon à servir excellemment votre Belgique. Mais vous êtes trop pressé. Oui, oui, vous en avez assez de mes fromages et de mon petit vin d’Yvorne.

François. — Oh ! servir ! En noircissant des bulletins d’administration et en alignant des chiffres sur du papier. Quand les autres la servent avec leur poitrine et leurs bras. C’est peu. (Il s’est retourné tout-à-fait. Un visage émacié, exsangue, troué, sous le front énorme, de deux yeux gris brûlants, troublés de lave.)

La vieille dame. — Et vous, mon bon ami, vous lui avez donné votre souffle. N’avez-vous pas fait avec eux cette retraite d’Anvers, étouffé déjà par la pneumonie, avec 39 degrés de fièvre qui vous faisaient claquer des dents et buter à chaque pas ? Si, après cela on vous a donné un poste d’arrière, vous pouvez très allègrement le remplir : vous êtes aussi un blessé au service, seulement vous avez tous vos membres.

François. — Oui : une carcasse étique qui doit