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tend la main. Comment allez-vous ? Comme c’est aimable… Mais c’est terrible, voilà une femme qui se met à parler, qui va dire des choses défendues, il faudrait l’arrêter et on ne peut pas l’arrêter…

— C’est vous ! Pourquoi vous plantez-vous là, comme un fossoyeur ? Vous êtes l’homme à la faux, tout en fer. Et vous êtes content. Vous venez me regarder. Jean Valentin est mort, oui, et je l’aimais. Et c’est pour cela que je ne vous ai pas voulu. Et vous êtes content. Vous venez avec votre faux me regarder. Il est mort. Il a souffert. Il a crié mon nom. Il a eu mal… Il a jeté les mains pour écarter ce couteau qui entrait. Il s’est coupé les mains. Le couteau est sorti, est rentré dans son corps. Il a crié. On m’a égorgé Jean. On l’a culbuté. On a coupé sa chair adorée ! On l’a couvert de sang ! Ils ont marché sur lui…

Au nom de Dieu, faites taire ces cris de femme ! Ils m’exaspèrent, ils m’épouvantent, ils me glacent le cœur… Faites-les taire ! faites-moi taire : c’est moi qui crie, je l’entends ! Non, je ne me tairai pas, je hurlerai, parce qu’on me saigne, on m’écartèle : je souffre, vous dis-je, je souffre ! Mais vous ne comprenez pas. Ils m’ont assassiné Jean. Jean est mort. Ils me l’ont fait souffrir… Et moi, alors, que va-t-on faire pour m’ôter ce couteau ? Je ne