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Nous pénétrons dans les salons, rendus plus solennels encore par la frigide présence de la vieille dame sur le canapé, massif amas de crêpes sur le rouge brocart du siège.

Sous son regard inflexible qui pourtant toujours a l’air de m’ignorer, de regarder au travers de moi, plus loin que moi, je verse les liqueurs, le café. Et je me sens si jeune, si fraîche, si dansante, qu’un besoin de rire tout bas me prend, pour m’entendre rire, pour me sentir rire, pour la joie du rire…

Cependant, Jules, pompeusement, a ouvert la porte du fond, et du canapé un mot étouffé, jeté de l’âme aux lèvres, a jailli.

— Mika !

La grand-mère a salué l’entrée du petit-fils.

À travers les salons, la gouvernante anglaise, le pince-nez luisant, a introduit Mika… Mika en grand col de souple linon, en longs bas de soie, Mika en petit prince de légende, Mika si blond, si mince, mon fils adorable…

Oh ! la douceur de voir demeurer sur lui le tendre regard de mon ami : moi et lui, il l’a compris, nous ne faisons qu’un, il faut nous aimer de la même tendresse !

Mika fait très galamment ses salutations, échange avec moi le supérieur et câlin regard d’en-