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ix
préface

et dans ce cas le lecteur est poussé par une sorte d’instinct diabolique à ne pas croire le préfacier et même à croire le contraire de ce qu’il écrit, sauf si le préfacier met le doigt sur un défaut — alors le lecteur redevient crédule ! — ou bien le préfacier n’est sincère qu’à demi et s’amuse à faire la roue pour la galerie, et dans ce cas, plaignons le pauvre préfacé ! Le préfacier lui saute sur les épaules pour mieux le montrer à la foule. Le montreur reprend à sa façon les thèmes principaux du livre et s’attache à éclipser le préfacé. Rappelons-nous l’éclatante et coruscante préface de J.-K. Huijsmans pour les Rimes de Joie de son ami Théodore Hannon. Heureux malgré tout le préfacé si son appariteur ne profite pas de la circonstance pour exécuter d’étincelantes variations sur le motif célèbre : « Il n’y a que moi et toi, — et encore, toi !… »

Non, décidément, ceci ne sera pas une préface : je ne veux pas être parjure ; mais, si je tenais encore la critique littéraire dans une revue, comme je la tenais jadis dans La Jeune Belgique, — à l’heureuse et légendaire époque où, grâce à des articles écrits, malgré leur fantaisie et leur piaffe, sous la foi du serment, je me créai des sympathies et des antipathies