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La Cloche de Tadoussac




J’errais seul, à minuit, près de la pauvre église.
À la lueur de mon flambeau, je pouvais voir
Les bords de l’estuaire où dansait le flot noir,
Et le petit clocher que le temps solennise.

Quelle nuit ! Le Surouet grondait dans les bouleaux,
Geignait le long des murs du temple séculaire,
Et, fraternel, entre les croix du cimetière,
Sur les tombes sans nom égrenait des sanglots…

Ô fière nation sur qui la terre pèse,
Où sont tes dignes chefs et tes guerriers sans peur ?
Hélas ! devant ces croix, le pèlerin songeur
Peut se dire : ― Ici gît la race Montagnaise !

Elle est là tout entière : en voici le cercueil !…
C’était une alliée à la France fidèle.
Que les tendres bouleaux pleurent en paix sur elle,
Et que les sapins noirs portent longtemps son deuil !

« Dongne ! dongne ! » entendit mon oreille inquiète.
Le salutaire airain que rien ne troublait plus
Dans l’évocation des saints jours révolus,
Avait jeté ce cri sonore à la tempête.

— Sans doute il se souvient, le bronze abandonné ;
Il dort, et son printemps regretté se prolonge
Dans les vibrations berceuses d’un beau songe,
Et la chanson de sa Jeunesse a résonné.