Page:Gilbert - Les Lettres françaises dans la Belgique aujourd’hui, 1906.djvu/49

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 45 —

Je suis le pénitent des mauvaises cités. Dans les bouges honteux où coulent les rogommes, Dans les quartiers lascifs des modernes Sodomes Où le meurtre et le viol cachent leurs voluptés, Quand j’introduis, le soir, mes regards attristés. J’ausculte en frissonnant les monstres que nous sommes ; Je sens peser sur moi tous les crimes des hommes, Et je pousse des cris vers les cieux irrités. Semblable en mes clameurs aux prophètes tragiques, Je vais, les yeux hagards, par les places publiques. Confessant des péchés que je n’ai point commis. Et le chœur vertueux des pharisiens brame : « Soyez béni, mon Dieu, qui n’avez point permis Que je fusse pareil à ce poète infâme ! » M. Iwan Gilkin fera, dit-on, représenter, à Bruxelles, un drame historique, Savonarole, dont proclament grand bien ceux qui purent en entendre déjà quelques fragments. Assez récemment encore, l’œuvre du poète s’est enrichie d’un poème dramatique, Prométhée, auquel l’Académie Française a réservé l’un de ses prix et qui, par la hauteur du vol où plane la pensée, par la vigueur du concept, par le souffle lyrique soutenu et par la maîtrise de la forme, prend place parmi ses meilleures productions. La souplesse des dons qui le distinguent, la variété de ses inspirations, l’aptitude de l’artiste à traiter les sujets les plus divers, avaient été manifestés encore dans le Cerisier fleuri, recueil inférieur d’ailleurs, comme puissance et comme ciselure, aux autres volumes publiés par M. Iwan Gilkin. Appartenant à la même génération, compagnons d’études, arrivés à la vie littéraire vers la même heure et au sein des mêmes luttes, MM. Albert Giraud et Iwan Gilkin se touchent encore par quelques-unes de leurs aptitudes les plus caractéristiques. M. Gilkin a la morsure psychologique plus âpre, M. Albert