Page:Gilbert - Les Lettres françaises dans la Belgique aujourd’hui, 1906.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 33 —

pitié et de charité, très perceptible à travers l’attitude impersonnelle de son art. Une langue épurée, soumise au mot propre, précise et un peu coupante’ achève de rappeler quelquefois la nerveuse manière de Maupassant.

M. Krains a fixé les paysages de la partie la moins gaie et la moins douce du sol wallon, ce qui le rapproche, par certains points, de M. Maurice des Ombiaux, conteur fidèle et attentif dont la mélancolie se teinte parfois aussi de secrète ironie. Celui-ci fut le descriptif du Hainaut âpre et laborieux dans Mes Tonnelles, dans Têtes de houille, dans Mihien d’Avène, dans le Joyau de la Mitre, dans Maison d’or, dans Nos rustres, dans Guidon d’Anderlecht, et dans maint autre captivant volume comme celui des Contes d’entre Sambre et Meuse. Il semble bien, depuis quelque temps déjà, que par la persévérance de ses recherches psychologiques et par la variété des sujets qu’il embrasse, tout en maintenant dans son œuvre de < terroir » une simple et sévère unité, il semble, dis-je, que M. Maurice des Ombiaux prenne peu à peu la tête dans 1 armée de nos romanciers de la Wallonie. C’est l’un de ceux, parmi ses pairs, qui ont tiré le plus profitable parti de leurs dons naturels et qui ont le plus ingénieusement dépouillé les menues tares qui pouvaient au début les amoindrir. Maître aujourd’hui de sa manière, il est surtout fidèle observateur. Mais il élève parfois ses conceptions jusqu’au plus chaleureux lyrisme. D’autres fois, c’est le barde averti et familier des mœurs populaires qui l’emporte en lui, et nous nous attardons volontiers à retrouver dans ses pages évocatrices toute l’essence truste et bonne de la race qu’il y ressuscite. Les romanciers dont nous avons parlé jusqu’ici ont, pour la plupart, marqué surtout comme descriptifs, comme paysagistes, faudrait-il dire. Ce sont des