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M. Delattre est surtout un styliste, dont la phrase imagée et limpide court à l’instar d’un de ces ruisseaux jaseurs sillonnant les contrées sylvestres qu’il a si bien décrites. Hâtons-nous, pourtant, de noter l’émotivité sensible et la chaleur d’impressions, qui animent ce style et qui pénètrent toute la manière de l’écrivain. Observateur spontané et nerveux, il reste toujours simple. Point de grandes recherches chez lui, ni de mièvres détours psychologiques, mais une compréhension sereine, illuminée d’une fantaisie délicieuse, de la vie dans sa notion la plus attractive. Ne nous fions pas trop, d’ailleurs, à l’apparente insouciance de certains passages, car, à côté du conteur frais et primesautier, c’est un poète mélancolique, vibrant profondément, qui se lève dans les Contes de mon village, dans une Rose à la bouche, dans les Marionnettes rustiques ou dans la Loi dépêché, toutes ces œuvres éclairées d’un réalisme jeune et tendre. L’artiste qui s’apparente le mieux à M. Louis Delattre, serait peut-être M. Georges Garnir, dont les Charneux, les Contes à Marjolaine, la Ferme aux grives, les Nouveaux contes à Marjolaine, ont fixé des visions lumineuses et précises de la contrée liégeoise, en montrant le jeu des sentiments et des passions chez les paisibles populations qui y naissent, y vivent et y meurent, leur tâche accomplie. Et, à ses côtés, voici que le nom de M. Edmond Glesener est prononcé, à propos du Cœur de François Remy, couronné récemment par l’Académie Picard, et qui nous étreint d’une si profonde émotion, tout en nous émerveillant par des paysages urbains et champêtres copiés avec la pieuse précision d’un miniaturiste du mont Athos. Une inspiration analogue a heureusement servi M. Pau-André, romancier distingué, critique averti, l’un de nos écrivains les plus variés et les plus féconds qui a écrit de fort jolies pages sur la vie wallonne, tout