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cences permiſes à la Poéſie, ſe plaignit autrefois à l’Académie aſſemblée, des mêmes abus que je lui reproche aujourd’hui. Mrs Marmontel, d’Alembert ont bien écrit que Boileau n’a ni verve, ni fécondité ; que Racine, en peignant l’amour, parloit plus en métaphyſicien, qu’en homme ſenſible ; que Rouſſeau ne faiſoit que des vers. Telle eſt leur opinion ; on leur pardonna de l’avoir expoſée. N’aurois-je donc pas le même privilège ? Revenons à mon Ouvrage.

Pluſieurs gens de lettres d’un grand mérite m’ont paru trouver le ſujet vicieux. Ils peuvent avoir raiſon ; mais l’Académie n’a point dû rejetter ma Piece, par ce motif. N’a-t-elle pas couronné le Poète ? Cette Épitre & la mienne ont le même fond. L’Auteur dans l’une promet à ſon ami de lui tracer les caractères[1] du Poète. Dans l’autre le Poète ſe peint lui-même. Je l’ai ſuppoſé malheureux, pour donner à mon Ouvrage un autre mérite ; & ma Pièce en effet a cet avantage ſur celle de mon antagoniſte, qu’elle

  1. Terme impropre. On ne met ordinairement caractère au pluriel que pour ſignifier A, b, c, &c.