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péfiants défendus, boucs émissaires des hygiénistes et de leurs serviettes.

Aussi, moi, Morphée and Co qui détiens actuellement le trust des drogues prohibées de par le vaste monde, je tiens à répondre aux journalistes payés par mes concurrents pour dénigrer ma marchandise. Et je la défendrai impartialement.

Oui, Messieurs de la Continence, sur ce sujet, comme sur tous les autres d’ailleurs, s’épanouit le badigeon des plus funestes malentendus, depuis les plus grossiers, jusques aux plus subtils. À commencer par cette remarque que, la plupart de mes stupéfiants demeurant l’apanage d’une infime minorité, la grande majorité qui les ignore se fait de leurs ravages une idée tout à fait légendaire, d’ailleurs savamment entretenue par les reporters qui recherchent toujours l’horreur romantique à bon marché. C’est ainsi que dans vos régions où tout le monde consomme de l’alcool en quantité plus ou moins abondante, il n’est personne, sinon quelques vieilles demoiselles pleines de bonnes intentions, pour croire aux boniments de la Ligue antialcoolique. Chacun connaît dans son entourage des ivrognes invétérés et excessifs, fulgurants de santé et dix fois centenaires. De même on peut rire finement en comparant les grotesques placards où se trouve dépeint l’« Enfer des drogués » (sic et resic et resic) — et le public, faute de plus ample information, calque son opinion sur ces caricatures — à l’inoffensive réalité.

Combien de fois, visitant mes fidèles, j’ai mis mes pas claudicants dans ceux beaucoup plus larges et longs des plus célèbres reporters et je me suis aventuré dans des fumeries, capharnaüms mal éclairés et décorés d’un bric à brac en toc asiatique où de braves garçons réjouis racontaient en se tapant les cuisses des histoires égrillardes même pas sadiques. Quelles déceptions amères humecteraient vos esprits abrutis de prévisions sépulchrales quand vous découvririez d’authentiques intoxiqués de longue date, des avaleurs