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instruments de l’action, c’est-à-dire aux organes du corps humain.

C’est en tablant sur cette constatation assez simplette que, de tous temps, un certain nombre d’hommes qui, d’une part, pour des raisons plus loin développées, ne ressentent guère le besoin d’user de ces produits toxiques et qui, d’autre part, munis légalement du pouvoir d’attenter à la liberté privée de leurs concitoyens, ont une fois pour toutes renoncé à appliquer le principe politique du Non-Agir préconisé par Lao-Tseu, un certain nombre d’hommes, dis-je, ont cru possible d’arrêter net la consommation des drogues en les prohibant.

De telles prohibitions ont toujours des buts apparents très convenables, par exemple le bien public, et des buts moins apparents un peu malpropres, par exemple la repopulation.

La prohibition de l’alcool aux États-Unis, celle de l’opium, de la cocaïne, etc., etc., dans presque tous les pays proviennent de cette manière de penser commune non seulement à tous les législateurs, mais encore à tous les hommes « bien-pensants », c’est-à-dire à la majorité de tous les pays dits civilisés.

Quant à ceux qui pensent autrement ils répondent aux prohibitions par la fraude ou par l’invention d’ersatz. Mais tous les hommes de tous les pays continuent à provoquer artificiellement en eux l’état de mort-dans-la-vie par le moyen de leur choix.

Il convient d’ailleurs de remarquer que grâce à la démagogie de nos foutues démocraties et au soin de leurs intérêts, les toxiques les plus employés ont été rarement prohibés. Le tabac ne le fut jamais nulle part, l’alcool presque jamais, enfin la consommation de l’opium est recommandée dans l’Inde et en Indo-Chine. La partialité de ces prohibitions n’a jamais été déterminée par le caractère plus ou moins nocif des drogues comme surtout les deux premiers exemples devraient le prouver si le jugement du lecteur n’était complètement faussé par les racontars de la presse à propos des stu-