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de la solitude que l’on appelle aussi folie. Ensuite et d’autre part par leur caractère anti-physiologique sur le plan individuel : la pure violence qui est leur nature a raison, en quelques années, des plus robustes machineries humaines.

Et maintenant admettez ce principe qui est la seule justification du goût des stupéfiants : ce que tous les drogués demandent consciemment ou inconsciemment aux drogues, ce ne sont jamais ces voluptés équivoques, ce foisonnement hallucinatoire d’images fantastique, cette hyperacuité sensuelle, cette excitation et autres balivernes dont rêvent tous ceux qui ignorent les « paradis artificiels ». C’est uniquement et tout simplement un changement d’état, un nouveau climat où leur conscience d’être soit moins douloureuse.

Ne pourront jamais comprendre : tous mes ennemis, les gens d’humeur égale et de sens rassis, les français-moyens, les ronds de cuir de l’intelligence, tous ceux dont l’esprit, instrument primitif et grossier mais incassable, est toujours prêt à s’appliquer à ses usages journaliers, sans jamais connaître ni la nuit solide de l’abrutissement pétrifié ni l’agilité miraculeuse de l’éclair à tuer Dieu. Ils ne se doutent pas que par opposition aux poissons à bouche ronde que l’on nomme cyclostomes, les psychiatres ont baptisé du vocable de « cyclothymiques  » un certain nombre de « malades » dont la vie s’écoule ainsi en alternances infernales et régulières d’états hypo et d’états hyper, d’enthousiasmes et de dépressions spirituels. Bien souvent ceux qui connaissent la lancinante douleur de ces dépressions lui préfèrent le suicide.

Plus incompréhensible encore leur sera l’état de l’homme qui souffre de la conscience effroyablement claire. Il s’agit de la douleur peu commune aux mortels de se trouver soudain trop « intelligent ». Il est bien vain de tenter de faire naître dans un esprit qui ne l’a pas expérimenté, l’approximation de cet état qui selon un déterminisme inconnu, en un instant soudain, plonge un être dans