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1802 n’a abouti qu’en 1833, grâce à la persévérance héroïque de Lord Shaftesbury. On disait qu’il fallait laisser aux parents le soin de protéger leurs enfants : or ils en trafiquaient abominablement.

§ 2. En ce qui concerne les femmes, la question est déjà plus difficile. Quelques esprits intransigeants voudraient que, comme les enfants, elles fussent exclues des fabriques. Et ils ne manquent pas de bons arguments : — le foyer de famille détruit, l’effroyable mortalité des enfants abandonnés[1], les dangers de la vie à l’usine pour la moralité de la jeune fille et de la femme, pour sa santé même si elle est enceinte… Mais en sens contraire il faut dire qu’à une époque où l’on parle plus que jamais de l’émancipation de la femme et de l’égalité des sexes, il serait vraiment choquant de frapper toutes les femmes d’une sorte d’incapacité de gagner leur vie par leur travail : elles ont déjà bien assez de peine à la gagner honnêtement sans qu’encore on leur ferme les portes des usines ! À tout le moins, faudrait-il exempter de cette incapacité celles qui ne sont pas mariées ou qui sont veuves et qui n’ont par conséquent personne qui puisse travailler pour elles et à leur place.

On aboutit donc à une transaction. On n’interdit pas aux femmes le travail à la fabrique, mais seulement certains travaux choquants ou dangereux pour leur sexe, particulièrement le travail dans les mines et tous les travaux de nuit. Telle est la loi en France. De plus, on limite généralement la journée de travail. En France, la loi de 1892 l’a limitée à 11 heures[2].

  1. Le travail des femmes à la fabrique, quand elles ont des enfants en bas-âge, entraîne nécessairement l’allaitement artificiel et, par voie de conséquence, une effroyable mortalité de la population infantile (plus de 60 % dans l’année qui suit la naissance !) Il y a donc ici une question de salut public. — Il y a, il est vrai, une institution qui est destinée à remédier, dans une certaine mesure, à cette horrible plaie : ce sont les Crèches, établissements privés qui reçoivent les enfants en l’absence de leurs mères et les soignent suivant les règles de l’hygiène.
  2. Nous venons de dire qu’au-dessous de 18 ans, la durée légale est réduite à 10 heures (ou du moins à 60 heures par semaine, ce qui n’est pas tout à fait la même chose) pour les deux sexes. Cette différence d’heures pour des catégories de personnes qui travaillent dans la même fabrique a créé de tels embarras qu’en fait on n’applique guère en France la loi