Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/373

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vres aussi peuvent avoir besoin de crédit, encore plus que les riches. Comment faire pour le leur procurer ?

C’est par l’association qu’on peut résoudre très aisément le problème. Un ouvrier ou un artisan isolé, si honnête et si laborieux qu’on le suppose, ne peut offrir une garantie suffisante à un prêteur : la maladie, le chômage ou la mort pouvant à tout instant déjouer la meilleure volonté. Mais si ces ouvriers ou artisans sont au nombre de dix, de cent, de mille, alors — groupés en faisceau et réunis au besoin par le lien d’une responsabilité solidaire — ils présenteront une grande surface et pourront facilement trouver du crédit sans passer par les mains d’usuriers. Leurs cotisations personnelles d’ailleurs, si modiques qu’elles soient, finiront par constituer, par leur nombre et par l’effet du temps, un fonds social imposant qu’ils pourront aussi se prêter entre eux.

C’est en Allemagne surtout, sous l’inspiration d’un homme dont le nom est resté attaché à cette institution, Schutze-Delitzsch, que ces banques populaires, qu’on appelle aussi sociétés coopératives de crédit et qui ont pour caractère essentiel la solidarité illimitée de tous les associés, ont pris un développement extraordinaire[1]. Les chefs de ces sociétés en Alle-

  1. D’après le dernier rapport (pour l’année 1897) on comptait en Allemagne environ 9.400 banques populaires du type Schulze-Delitzsch, dont le tiers environ font plutôt le crédit agricole.
    De ces banques, 1.055 seulement ont envoyé leur rapport au Congrès (il est vrai que ce sont tes plus importantes et il faudrait se garder de tripler les chiffres ci-après) et voici les principaux résultats. Elles comptaient 527.000 membres. Elles avaient un capital propre de 212 millions de francs et un capital en dépôt de 645 millions, ce qui faisait un capital de plus de 850 millions à leur disposition. Et par suite du roulement de ces capitaux, elles étaient arrivées à faire à leurs membres environ 2 milliards de francs de prêts ! Et sur cette somme énorme elles n’avaient que des pertes insignifiantes, moins de 1 pour 1000. Les bénéfices réalisés ont été de 1.860.000 francs dont la plus grande partie, conformément au principe coopératif, a été partagée entre les membres.
    En Angleterre et aux États-Unis, les sociétés coopératives de crédit proprement dites n’existent pas, mais les building societies (Sociétés de construction) y jouent le rôle de banques populaires, bien qu’on pût croire, d’après leur nom, qu’elles sont uniquement des sociétés coopératives de construction.
    En Écosse, ce sont les banques ordinaires qui jouent le rôle de banques populaires : elles y réussissent le mieux du monde, grâce au nom-