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Ainsi donc le billet de banque est très distinct du papier-monnaie. Cependant il peut arriver qu’il s’en rapproche jusqu’à se confondre presque avec lui, en perdant tout ou partie des caractères que nous venons de signaler :

1° Il est possible d’abord que le billet de banque reçoive cours forcé, c’est-à-dire cesse d’être remboursable, du moins pour une période plus ou moins longue. Cet état de choses s’est réalisé une fois ou l’autre, à des époques de crise, pour les billets de presque toutes les grandes banques[1].

En ce cas, il reste encore entre le billet de banque et le papier-monnaie les deux autres différences que nous avons indiquées et principalement la deuxième : à savoir que la quantité émise n’est pas indéfinie ni fixée d’une façon arbitraire, qu’elle se trouve réglementée par les besoins mêmes du commerce. C’est une très sérieuse garantie.

2° Il est possible encore que non seulement le billet de banque reçoive cours forcé, mais qu’au lieu d’être émis au cours d’opérations commerciales, il soit émis à seule fin de faire des avances à l’État et de lui permettre de payer ses dépenses. Voici, en ce cas, comment les choses se passent. L’État a besoin d’argent, il dit à la Banque : « Fabriquez-moi quelques centaines de millions de billets que vous allez me prêter et je vous couvrirai en imposant le cours forcé[2] ».

En ce cas la deuxième garantie disparaît à son tour. L’émission des billets n’a plus d’autre limite que les besoins

  1. Il faut se garder le cours légal avec le cours forcé. Un billet a cours légal quand les créanciers ou les vendeurs ne peuvent pas le refuser dans les paiements. Un billet a cours forcé quand les porteurs n’ont pas le droit de demander à la Banque son remboursement en monnaie. Le cours forcé suppose toujours le cours légal, mais la réciproque n’est pas vraie : les billets de Banque ont cours légal en France et en Angleterre, mais ils n’ont pas cours forcé ; chacun est tenu de les prendre, mais chacun, s’il veut, a la faculté de se les faire rembourser par la Banque.
  2. C’est justement ce qui eut lieu pendant la guerre franco-allemande en 1870. Le gouvernement emprunta à la Banque à diverses reprises une somme totale de 1.470 millions, mais pour cela faire il commença par décréter le cours forcé.