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truments. De là conflits permanents et insolubles entre les diverses branches de la production : quand on a voulu mettre des droits à l’entrée des soies pour protéger les producteurs de cocons des Cévennes et des bords du Rhône, on a soulevé les protestations violentes des dateurs de soie de Lyon ! on met des droits à l’entrée des fils de laine, de soie, ou de coton, on ruine les industries du tissage, etc. — Les procédés compliqués des admissions temporaires ne sont que des palliatifs tout à fait inefficaces[1].

6o Au point de vue du progrès industriel, ils le ralentissent souvent en supprimant ou en atténuant le stimulant de la concurrence extérieure. Dans un discours politique, M. de Bismarck parlait de ces brochets qu’on place dans les étangs peuplés de carpes pour tenir celles-ci en haleine et les empêcher de prendre le goût de la vase. Cette comparaison serait tout à fait de mise ici. Si l’on veut — et tel est précisément le but des protectionnistes — qu’un pays garde son rang de puissance industrielle et commerciale, il faut l’obliger à renouveler constamment son outillage et ses procédés, à éliminer sans cesse les organes usés ou vieillis, comme le serpent qui se rajeunit en changeant de peau ; et comme une semblable opération est toujours fort désagréable, il est douteux que les producteurs s’y prêtent de bonne grâce s’ils n’y sont contraints par une pression extérieure.

7o Au point de vue fiscal, si ces droits sont d’une perception assez commode[2], ils sont extraordinairement vexatoires

  1. On appelle admissions temporaires l’entrée en franchise accordée à une matière première (fer, blé, etc.) à la condition que cette matière sera réexportée sous la forme de produit manufacturé (machines, farine, etc.) dans un délai donné. Le producteur qui importe ces matières premières doit donner caution de les réexporter dans un délai déterminé ; d’où le nom sous lequel ce système est aussi connu, celui d’acquits à caution. ― On emploie aussi un autre mécanisme connu sous le nom de drawback ; il diffère du précédent en ce que les droits doivent être payés à l’entrée, mais sont restitués à la sortie. Mais l’un et l’autre de ces deux systèmes entraînent, par suite de raisons diverses dans le détail desquelles nous ne pouvons entrer ici, des difficultés sans nombre et même des pertes pour le Trésor.
  2. Et encor la perception n’est pas si commode ! Si le droit est proportionnel à la valeur de la marchandise (c’est ce qu’on appelle droit ad va-