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plus environ. Il aurait fallu, pour rétablir l’équivalence entre la valeur intrinsèque et la valeur légale, que la pièce de 5 fr. d’argent fit équilibre à 15 pièces de 5 fr. d’or (et non plus 15 1/2). Alors c’est toute la monnaie d’or qui est à refondre !… Attendons encore.

Vingt ans plus tard, en 1871, changement à vue. La production de l’or, par suite de l’épuisement des mines d’Australie et de Californie, diminue de moitié : au contraire, par suite de la découverte des bonanzas de l’Ouest américain, la production de l’argent augmente de moitié. En même temps l’Allemagne, adoptant l’étalon d’or, démonétise sa monnaie d’argent et fait refluer sur le marché ses thalers dont elle ne veut plus. Encore une fois la valeur respective des deux métaux change, mais cette fois en sens inverse : sur le marché des métaux précieux, avec un kil. d’or on peut se procurer non plus seulement 15 1/2 kil. argent, mais 16, 17, 18, et jusqu’à 20 kil. d’argent) Ce qui revient à dire que l’argent a perdu plus d’un quart de sa valeur relativement à l’or. Dès lors il est clair que chaque lingot d’argent qui constitue une pièce d’argent a subi une dépréciation proportionnelle : la pièce de 5 fr. d’argent ne vaut plus en réalité que 3 fr. 50. Qu’aurait-il fallu faire pour rétablir l’équilibre ? Évidemment mettre beaucoup plus d’argent dans chaque pièce, augmenter d’un quart leur poids, faire que la pièce d’argent de 5 fr. pesât autant que 20 pièces d’or de 5 fr. alors l’équivalence entre la valeur métallique et la valeur légale aurait été rétablie : mais c’est toute notre monnaie d’argent qui était à refondre !

Mais quoi ! si nous voulons conserver à nos deux monnaies leur caractère de monnaie droite, c’est-à-dire l’équivalence rigoureuse entre leur valeur intrinsèque et leur valeur légale, faudra-t-il donc refondre perpétuellement tantôt l’une, tantôt l’autre des deux monnaies pour accommoder leurs poids aux variations de valeur des deux métaux ? C’est, semble-t-il, la conclusion qui s’impose. Mais c’est impraticable et absurde[1].

  1. Pour peu qu’on y réfléchisse, on voit bien qu’il suffirait de faire