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proprement dite[1]. C’est une évolution qui a passé par différentes étapes très distinctes :

1° On a commencé par se servir des métaux précieux sous la forme de lingots bruts. Il fallait donc dans tout échange les peser d’abord, les essayer ensuite. Les actes juridiques du vieux droit romain, la mancipatio par exemple avec son librispens, conservaient le symbole de ce temps où l’instrument des échanges, argent ou bronze, était pesé. Aujourd’hui encore en Chine, où la monnaie frappée n’est pas en usage, on voit les marchands porter à leur ceinture la balance et la pierre de touche.

2° Las d’être obligés de se livrer à chaque échange à cette double opération, les hommes ont eu l’idée de se servir de lingots taillés, dont le poids et le titre étaient déterminés à l’avance[2] et au besoin garantis par quelque sceau, quelque poinçon officiel. Le législateur qui a eu cette idée ingénieuse, peut revendiquer la gloire d’avoir véritablement inventé la monnaie, car désormais on ne pèsera plus les lingots, on les comptera et telle est la caractéristique de la monnaie. Il parait probable que c’est un roi de Lydie, un successeur de Gygès, vers l’an 650 à 700 avant Jésus-Christ, qui a fait frapper la première monnaie, dont on peut voir encore les spécimens au Musée Britannique. Elle n’est ni en or ni en argent, mais en un alliage des deux métaux que les Grecs nommaient « électrum », et elle n’a pas encore la forme d’un disque, mais celle d’un lingot ovoïde, d’un haricot, portant seulement la marque de quelques raies et de trois poinçons[3]. Tel est à peu

  1. « De grands et puissants empires comme ceux de l’Égypte, de la Chaldée et de l’Assyrie, ont traversé des milliers d’années d’existence dans la richesse et la prospérité, avec des relations commerciales aussi étendues qu’ont jamais pu l’être celles d’aucun peuple de l’antiquité, en se servant constamment de métaux précieux dans les affaires de négoce, mais en ignorant absolument l’usage de la monnaie ». Lenormand, Monnaies et Médailles, ch. I. — Les Égyptiens les employaient surtout sous la forme d’anneaux.
  2. Bien entendu que ceci suppose au préalable l’invention d’un système de poids et mesures.
  3. Voy. Théodore Reinach, L’invention de la monnaie frappée, Revue de sociologie, février 1894.