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Cependant même dans l’hypothèse où tous les produits sans exception viendraient à augmenter de quantité, il se peut que les prix baissent et qu’il y ait encore un general glut. Comment l’expliquer ? C’est qu’il reste, dans cette hypothèse, un produit, un seul, le numéraire, qui n’a pas augmenté en quantité. Le rapport des valeurs entre le numéraire et les marchandises en général a donc changé : le numéraire étant relativement rare, les prix ont baissé. Mais si vous pouviez multiplier le numéraire dans la même proportion, que les autres marchandises, le mal serait guéri, car alors le rapport des valeurs qui s’appelle « prix » ne changerait pas, et la crise ne se produirait pas. Même cette hypothèse donc ne fait que confirmer la loi.

En somme donc, la théorie des débouchés tend simplement à prouver que l’excès de production n’est jamais à redouter toutes les fois que l’accroissement de production s’opère simultanément et proportionnellement dans toutes les branches de la production. En effet, il est clair que dans ce cas les rapports entre les qualités échangées ne seront pas modifiés.

Néanmoins cette théorie est difficilement acceptée par l’opinion publique[1]. La raison en est que l’accroissement de la production ne se manifeste presque jamais dans les conditions voulues par la théorie des débouchés. C’est une coïncidence bien rare que de voir un accroissement simultané et égal dans toutes les branches de la production. C’est d’ordi-

  1. Elle ne l’est pas non plus par la doctrine collectiviste qui voit au contraire dans la surproduction un caractère nécessaire du régime économique actuel. Et voici comment elle l’explique : la classe ouvrière, dit-elle, étant frustrée par les capitalistes de la moitié environ du produit de son travail, n’a pas le moyen, avec le salaire qu’on lui donne, de racheter le produit intégral de son travail. De là l’encombrement. Et le seul remède, c’est de lui rendre la part qui lui est due, c’est-à-dire tout ; dès lors sa puissance de consommation se trouvant précisément égale à sa puissance de production, il n’y aura plus de crise ! — L’explication paraît insuffisante, car en accordant même le fait de la spoliation, il n’y aurait là qu’un simple transfert de la puissance de consommation d’une classe à une autre, et je ne vois pas pourquoi les voleurs ne pourraient pas consommer tout autant que les volés ?