Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans nos sociétés modernes il n’y a plus d’autorité qui règle l’organisation du travail : en vertu du principe de la liberté du travail, chacun a le droit de choisir le genre de travail qui lui semble bon. C’est la concurrence qui est la seule distributrice des fonctions et établit entre les diverses professions ou métiers les proportions nécessaires.

Il n’en était pas de même autrefois. Les régimes anciens, esclavage, castes, corporations, avaient tous pour caractère commun de régler par voie d’autorité ou d’hérédité le nombre et l’importance des fonctions sociales et de soumettre ceux qui voudraient les exercer à certaines conditions. Non seulement donc ces organisations rendaient inutile l’action de la concurrence, mais encore elles l’excluaient formellement[1].

On sait que ce fut la Révolution française, par la loi célèbre du 17 mars 1791 (après une tentative infructueuse, en 1776, du ministre économiste Turgot), qui supprima les corporations et proclama le principe de la liberté du travail, réforme saluée par des acclamations unanimes et bientôt imitée dans presque toute l’Europe.

Il était de règle autrefois, dans la plupart des traités d’économie politique, d’énumérer les bienfaits de la concurrence en regard des méfaits du monopole. On s’accordait à reconnaître à la concurrence les avantages suivants :

1o De donner un très grand essor à la production, de stimuler le progrès par la lutte et d’opérer dans le monde économique de la même façon que la sélection naturelle dans le monde organique ;

2o D’entraîner une baisse graduelle des prix et par là de tendre au bon marché pour le plus grand profit de tous et des classes pauvres en particulier ;

3o D’amener une égalisation progressive des conditions en ramenant les profits et les salaires à peu près au même niveau dans toutes les industries ;

Et les économistes de l’école optimiste, tels que Bastiat, se

  1. Le principe était que nul ne pouvait exercer un métier sans l’autorisation du roi. Voy. Esmein, Histoire du droit.