Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si sa terre ne pourrait pas produire plus que ce qu’elle donne ? il vous répondra : « Assurément. La récolte de blé serait plus considérable si je voulais mettre plus d’engrais, donner des labours plus profonds, purger le sol des moindres racines de chiendent, défoncer à bras d’hommes, au besoin repiquer chaque grain de semence à la main, ensuite protéger la moisson contre les insectes, contre les oiseaux, contre les herbes parasites. — Et pourquoi ne le faites-vous pas ? Parce que je n’y retrouverais pas mes frais : ce supplément de récolte me coûterait beaucoup plus qu’il ne vaudrait ». — Il y a donc dans la production d’une terre quelconque un point d’équilibre qui marque la limite qu’on ne passera pas, non point du tout qu’on ne pût la dépasser si on le voulait à tout prix, mais on ne le veut pas parce qu’on n’a aucun intérêt à le faire[1].

S’il pouvait en être autrement, c’est-à-dire si on pouvait augmenter indéfiniment la production d’une superficie de terrain donné, à la seule condition d’augmenter proportionnellement le travail et les frais, les propriétaire, certes, ne manqueraient pas de le faire au lieu d’étendre leur exploitation sur un domaine plus ou moins vaste, ils la concentreraient sur le plus petit espace de terrain possible ce serait beaucoup plus commode. Mais en ce cas aussi la face du monde serait toute autre qu’elle n’est. Le simple fait que les choses ne se passent point ainsi et que l’on étend sans cesse la culture à des terrains moins fertiles ou moins bien situés, démontre suffisamment que l’on ne peut pas en pratique demander à un même terrain au delà d’un certain rendement.

  1. Il peut paraître étrange et suranné de parler de la limitation de la production agricole à un moment où la surabondance des produits agricoles est telle que tous les agriculteurs gémissent et que les États se croient obligés de les protéger en repoussant par des droits de douane le blé, le bétail ou le vin étrangers. Mais ce n’est là, si j’ose ainsi dire, qu’un accident tenant à la mise en culture soudaine de vastes territoires, peu peuplés et où l’on pratique la culture extensive sans être arrêté encore par la limitation du terrain. Il ne change pas la loi du rendement non proportionnel.