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adverse qu’il ne s’agit que de trouver, je m’occupais à le chercher, parfois, dans le milieu des longues routes…

Je vivais dans la perpétuelle attente, délicieuse, de n’importe quel avenir. Je m’appris, comme des questions devant les attendantes réponses, à ce que la soif d’en jouir, née devant chaque volupté, en précédât d’aussitôt la jouissance. Mon bonheur venait de ce que chaque source me révélait une soif, et que, dans le désert sans eau, où la soif est inapaisable, j’y préférais encore la ferveur de ma fièvre sous l’exaltation du soleil. Il y avait, au soir, des oasis délicieuses, plus fraîches encore d’avoir été souhaitées tout le jour. — J’ai, sur l’étendue sablonneuse, au soleil, accablée, comme un immense sommeil étendu — mais tant la chaleur était grande, et dans la vibration même de l’air, — j’ai senti la palpitation encore de la vie qui ne pouvait pas s’endormir, à l’horizon trembler de défaillance, à mes pieds se gonfler d’amour. —

Chaque jour, d’heure en heure, je ne cherchais plus rien qu’une pénétration toujours plus simple de la nature. Je possédais le don précieux de n’être pas trop entravé par moi-même. Le sou-