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tes jardins… Blidah ! Blidah ! petite rose ! — au début de l’hiver, je t’avais méconnue. Ton bois sacré n’avait de feuilles que celles qu’un printemps ne renouvelle pas ; et tes glycines et tes lianes semblaient des sarments pour la flamme. La neige descendue de tes montagnes t’approchait ; je ne pouvais me réchauffer dans ma chambre, et moins dans tes jardins pluvieux. Je lisais la Doctrine de la Science de Fichte et me sentais redevenir religieux. J’étais doux ; je disais qu’il faut se résigner à sa tristesse et je tâchais de faire de tout cela de la vertu. — Maintenant j’ai secoué là-dessus la poussière de mes sandales ; qui sait où le vent l’a portée ? — poussière du désert où j’ai rôdé comme un prophète ; — pierre trop aride effritée ; — à mes pieds elle fut brûlante (car le soleil l’avait énormément chauffée). — Dans l’herbe du Sahel, à présent, que mes pieds se reposent ! Que toutes nos paroles soient d’amour !

Blidah ! Blidah ! fleur du Sahel ! petite rose ! Je t’ai vue tiède et parfumée, pleine de feuilles et de roses. La neige de l’hiver avait fui. Dans ton jardin sacré luisait mystiquement ta mosquée blanche et la liane ployait sous les fleurs. Un olivier disparaissait sous les guirlandes qu’une glycine