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myrtes et de cyprès. Des deux côtés sont des bassins de marbre, où les courtisanes du roi se lavaient. On n’y voit d’autres fleurs que des roses, des narcisses et des fleurs de laurier. Au fond du jardin, il y a un arbre gigantesque, où l’on se figure un bulbul épinglé. Près du palais, d’autres bassins de très mauvais goût rappellent ceux des cours de la Présidence à Munich, où il y a des statues faites tout en coquilles.

C’est dans les jardins royaux de Munich que j’allais, un printemps, goûter les glaces à l’herbe de mai, près d’une obstinée musique militaire. Un public inélégant, mais mélomane. — Le soir s’enchantait de pathétiques rossignols. Leur chant m’alanguissait, comme d’une poésie allemande. — Il est une certaine intensité de délices que l’homme peut à peine dépasser — et non sans larmes. Les délices mêmes de ces jardins me faisaient presque douloureusement songer que j’aurais aussi bien pu être ailleurs. — C’est pendant cet été que j’appris à jouir plus particulièrement des températures. Les paupières sont admirablement aptes à cela. Je me souviens d’une nuit en wagon que je passai devant la fenêtre ouverte, uniquement à goûter l’attouchement du