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Devant un pupitre d’écolier.
Il y a des livres qu’on lit en marche
(Et c’est aussi à cause de leur format) ;
Tels sont pour les forêts, tels pour d’autres campagnes,
Et nobiscum rusticantur, dit Cicéron.
Il y en a que je lus en diligence ;
D’autres couché au fond des greniers à foin.

Il y en a pour faire croire qu’on a une âme ;
D’autres pour la désespérer.
Il y en a où l’on prouve l’existence de Dieu ;
D’autres où l’on ne peut pas y arriver.

Il y en a que l’on ne saurait admettre
Que dans les bibliothèques privées ;
Il y en a qui ont reçu les éloges
De beaucoup de critiques autorisés.

Il y en a où il n’est question que d’apiculture
Et que certains trouvent un peu spéciaux ;
D’autres où il est tellement question de la nature
Qu’après ce n’est plus la peine de se promener.

Il y en a que méprisent les sages hommes
Mais qui excitent les petits enfants.

Il y en a qu’on appelle les anthologies
Et où l’on a mis tout ce qu’on a dit de mieux sur n’importe quoi.
Il y en a qui voudraient vous faire aimer la vie ;
D’autres après lesquels l’auteur s’est suicidé.