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Nous verrons sur les flots qui se sont apaisés
Dormir l’oiseau nomade et la barque amarrée —
Le soir venu vers nous ouvrir sa rade immense
De silence et d’amitié.
— Voici l’heure où tout dort. —

Mars 1895.

Blidah ! Fleur du Sahel ! dans l’hiver sans grâce et fanée, au printemps tu m’as paru belle. Ce fut un matin pluvieux ; un ciel indolent, doux et triste ; et les parfums de tes arbres en fleurs erraient dans tes longues allées. Jet d’eau de ton calme bassin ; — au loin les clairons des casernes.

Voici l’autre jardin, bois délaissé, où luit faiblement sous les oliviers la mosquée blanche. — Bois sacré ! ce matin vient s’y reposer ma pensée infiniment lasse, et ma chair épuisée d’inquiétude d’amour. De vous avoir vues, l’autre hiver, je n’avais pas idée, lianes, de vos floraisons amassées. Glycines violettes entre les branches balancées, grappes comme des encensoirs penchées, et pétales tombés sur l’or du sable de l’allée. Bruits de l’eau ; bruits mouillés, clapotis