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plongeais tout entier dans l’eau froide et m’enorgueillissais de commencer très tôt ma journée. — Dans le Jura, ma fenêtre s’ouvrait au-dessus d’un vallon qui bientôt s’est empli de neige ; de mon lit, je voyais la lisière d’un bois ; des corbeaux y volaient, ou des corneilles ; de bon matin me réveillaient les clochettes des troupeaux ; près de ma maison était la fontaine où des vachers les menaient boire. Je me souviens de tout cela. —

J’aimais, dans les auberges de Bretagne, le contact des draps rudes et de lessive qui sentait bon. — À Belle-Isle les chants des marins m’éveillaient ; je courais à ma fenêtre et voyais les barques s’éloigner ; puis je descendais vers la mer.

— Il y a des habitations merveilleuses ; dans aucune je n’ai voulu longtemps demeurer. Peur des portes qui se referment, des traquenards. Cellules qui se reclosent sur de l’esprit. La vie nomade est celle des bergers. — (Nathanaël, je mettrai dans tes mains ma houlette et tu garderas mes brebis à ton tour. Je suis las. Toi tu partiras maintenant ; les pays sont tout grands