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— Chante à présent la figue, Sémiane,
Parce que ses amours sont cachées.

Je chante la figue, dit-elle,
Dont les belles amours sont cachées.
Sa floraison est repliée.
Figue ! Chambre close où se célèbrent des noces ;
Aucun parfum ne les conte au dehors.
Comme rien ne s’en évapore,
Tout le parfum devient succulence et saveur.
Fleur sans beauté ; fruit de délices ;
Fruit qui n’est que sa fleur mûrie…

J’ai chanté la figue, dit-elle,
Chante à présent toutes les fleurs…

Certes, reprit Hylas, nous n’avons pas chanté tous les fruits…

Don du poète : celui d’être ému pour des prunes…

(La fleur ne vaut pour moi que comme une promesse de fruit.)

Tu n’as pas parlé de la prune.

Et l’acide prunelle des haies
Que la neige froide rend douce.
La nèfle qui ne se mange que pourrie ;
Et la châtaigne de la couleur des feuilles mortes
Qu’on fait éclater près du feu.