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VI


— Messieurs, je vous l’ai dit, je n’ai pas toujours vu mon aigle. Avant lui j’étais inconscient et beau, heureux et nu sans le savoir. Jours charmants ! Sur les flancs ruisselants du Caucase, heureuse et nue aussi la lascive Asia m’embrassait. Ensemble nous roulions dans les vallées ; nous sentions l’air chanter, l’eau rire, les plus simples fleurs embaumer. Souvent nous nous couchions sous les larges ramures, parmi des fleurs où les essaims